OSTOS – Collectif d'ostéopathes

Angus_Cathie

La technique d’Angus Cathie

Préface

Lors de ma formation en ostéopathie, j’ai appris en troisième année la technique d’Angus Cathie. La technique était décrite comme suit : le patient est allongé en décubitus dorsal les jambes en grenouille la plante des pieds se joignant. Le praticien est en fente céphalique d’un côté de la table, une main sacrée, l’autre posée, avec le talon de la main, sous l’appendice xiphoïde. Le patient doit alors maintenir un double menton tout au long de la technique et le praticien réaliser une traction caudale avec sa main sacrée. Le praticien demande ensuite a chaque expiration du patient de tendre progressivement les jambes et de s’arrêter dès que le praticien sent une butée du sacrum dans ses mains, et ce, jusqu’à obtenir une extension complète des membres inférieurs. La technique est à répéter deux, voire trois fois. A l’époque, on m’avait indiqué cette technique pour un traitement des « 3 diaphragmes » (périnée, diaphragme thoracique & tente du cervelet), équilibrer les pressions intra-abdominale et intra-thoracique et l’équilibration des ligaments ilio-lombaires.

Quelques années plus tard, après discussion avec un de mes professeurs, j’ai réalisé qu’une seule partie de cette technique était enseignée et qu’elle avait été indiquée essentiellement pour l’équilibration des ligaments ilio-lombaires.

Je me permets donc de partager avec vous la traduction que j’ai réalisé moi-même de la description de cette technique d’Angus Cathie et de ses considérations anatomiques et pratiques. Bonne lecture à vous.

Introduction

Angus Cathie est né et a été élevé à Dorchester, Massachusetts. Diplômé du Philadelphia College of Osteopathic Medicine (PCOM) en 1931, il rejoint la faculté en tant qu’instructeur après un stage d’un an. En 1944, il était devenu professeur et président de l’anatomie et avait présidé les départements combinés des principes et de la pratique de l’anatomie et de l’ostéopathie. Fervent partisan de la médecine ostéopathique, Cathie était l’un de ses médecins les plus respectés et les plus honorés. PCOM lui a décerné le 1966 O.J. Médaille commémorative Snyder; l’American Osteopathic Association lui a décerné le prix, rarement attribué, pour service exceptionnel en médecine ostéopathique; et l’Académie d’ostéopathie de New York a parrainé un programme Angus Cathie Day en 1969, l’année même où l’American College of Osteopathic Surgeons a nommé ce non-chirurgien membre honoraire en reconnaissance de sa contribution à son domaine. À l’aide de craies de couleur, Cathie dessinait avec les deux mains simultanément pendant qu’il enseignait l’anatomie. Sa connaissance approfondie du sujet, son enseignement exigeant, bien que sévère, et son dévouement inlassable à la médecine ostéopathique ont amené ses étudiants et ses pairs à le déclarer meilleur anatomiste du pays à l’époque (PCOM).

Description de la technique

Procédures spéciales de manipulation pour la normalisation des zones lombo-sacrée et sacro-iliaque

Une méthode est présentée pour la normalisation des zones lombo-sacrée et sacro-iliaque. Les aspects anatomiques, morphologiques et physiologiques ainsi que l’interrelation de la courbure lombaire, de la région ilio-lombaire et sacro-iliaque sont examinés en tant que considérations importantes dans les procédures de manipulation et leur effet thérapeutique. La procédure initiale est dirigée vers la région lombaire et implique l’application de forces des deux côtés des régions lombaire et sacro-lombaire, aidée par une traction appliquée par le psoas majeur et le muscle iliaque. La technique est particulièrement valable dans la réduction d’une lordose lombaire anormale, un effet qui permet une facilité du traitement des articulations sacro-iliaques et de leurs éléments péri-articulaires. La manoeuvre de la deuxième phase du traitement est dirigée vers les régions ilio-lombaire et sacro-iliaque.

Le stress imposé par la position érigée de l’Homme sur les régions lombo-sacrée et sacro-iliaque ont rendu l’application des principes mécaniques spécialement importante dans ces zones. Les procédures manipulatives utiles dans la normalisation de la région lombaire, des structures reliées à l’espace ilio-lombaire ainsi que les régions lombo-pelvienne et sacro-iliaque, sont soulignées dans ce texte. La procédure initiale est dirigée vers la normalisation de la région lombaire, tandis que la deuxième phase de traitement est dirigée vers les régions ilio-lombaire et sacro-iliaque. Les procédures sont non-traumatiques et peuvent être réalisées chez les patients en phase algique aiguë ou chronique. Les procédures ont été le plus efficace dans l’ordre présenté dans ce texte.

Traction bilatérale appliquée à la région lombaire

La technique initiale à être appliquée […] est particulièrement utile lorsqu’il y a une augmentation la lordose lombaire normale (avec ou sans changement spondylarthrique), qui, dans de nombreux cas, est accompagnée d’une condition discale pathologique. Les forces sont appliquées de manière égale des deux côtés des régions lombaire et lombo-sacrée et produisent souvent une réduction appréciable de la lordose lombaire. La procédure peut être aidée par une traction appliquée à travers les muscles psoas majeur et iliaque avec la coopération du patient.

Le patient est allongé en décubitus dorsal et il lui est demandé de fléchir les genoux et d’amener les chevilles le plus proche possible de la région glutéale. L’opérateur, se tenant opposé au pelvis du patient, passe la main entre les cuisses du patient jusqu’à sa face palmaire soit au contact du sacrum, la pointe des doigts se fixe à la base sacrée (articulation lombo-sacrée). La main supérieure de l’opérateur est placée sur l’arc costal du côté opposé dans la ligne médio-claviculaire. Cette main stabilise la zone sans pression excessive.

Il est ensuite demandé au patient de réaliser une abduction de hanche le plus loin possible et de rapprocher ses plantes de pieds. Le patient, ensuite, fait glisser lentement ses pieds le long de la table jusqu’à ce que les membres inférieurs soient en extension complète et il lui est ensuite demandé de les étirer (extension maximale). Pendant l’extension des membres inférieurs, la main de l’opérateur est placée sous le sacrum postérieurement.

Pendant cette technique, la traction est placée sur les muscles psoas major, iliaque et carré des lombes, avec pour résultat un redressement de la colonne lombaire, accompagné par une diminution de l’angle sacro-lombaire et ainsi une diminution de l’inclinaison antérieure pelvienne. La tension placée sur le ligament sacro-tubéral (sacro-sciatique), les muscles glutéaux et la bandelette ilio-tibiale du fascia lata est un facteur d’accomplissement des changements produits.

Cette technique est utile avant le traitement unilatéral qui sera décrit pour les régions lombo-sacrée et sacro-iliaque et améliore les résultats des procédures de manipulations décrite par la suite.

Procédures spéciales

Le côté gauche du patient est utilisé dans les procédures suivantes qui ont été introduites par l’un d’entre nous (E. R. T., Jr), et qui devraient être montrées dans l’ordre présenté.

Etape 1-A

Le patient est allongé sur le dos. L’opérateur se tient face à la table, face au genou gauche du patient. Le genou gauche de l’opérateur est fléchi et repose sur la table. Le région poplitée du patient repose sur la cuisse gauche du praticien.

Le coude gauche de l’opérateur est placé contre le côté médial du genou gauche du patient avec l’avant-bras contre les muscles adducteurs et sa main saisit la face interne de la région fémorale médiale.

La main droite de l’opérateur se place sous le côté gauche de la ceinture pelvienne jusqu’à ce que ses doigts saisissent la partie postérieure de la crête iliaque dans l’espace ou triangle ilio-lombaire. Le talon de la main est ainsi sous la tubérosité ischiatique.

L’opérateur se penche en arrière, appliquant de la tension dans une direction caudale simultanément sur la cuisse gauche et la région lombo-pelvienne du patient. La force est appliquée doucement et relâchée doucement 3 ou 4 fois.

Etape I-B

Le patient et les mains de l’opérateur demeurent dans la même position que dans l’étape I-A. La cuisse gauche du patient est placée à 10° d’abduction avec un légère rotation externe. Une tension est appliquée comme dans l’étape I-A avec la force traversant la cuisse selon la direction dans laquelle elle a été placée, c’est-à-dire, caudale et légèrement latérale. Durant l’application de cette procédure, le patient sentira de la tension plus haut dans le rachis lombaire ; certains patients vont la sentir dans le rachis thoracique inférieur. La force est appliquée de manière en pompage.

Etape II

La position du patient et du bras gauche du praticien demeurent dans la même position que dans l’étape I-B. La main droite de l’opérateur est déplacée caudalement et légèrement médialement jusqu’à ce que l’index soit placé sous l’épine iliaque postéro-supérieure et les autres doigts sur le sacrum en interne de la proéminence du bord postérieur de l’os innominé (os coxal ndlr).

Les doigts de la main droite sont fléchis et deviennent un “fulcrum actif” à mesure qu’ils appliquent une traction latérale. Au même moment, une traction est appliquée avec la main gauche sur la cuisse gauche qui est en abduction et en rotation externe.

Une pression légère vers le bas (vers le sol) est appliquée en pompage. La combination de ces forces semblent placer de la tension sur les fibres des ligaments sacro-iliaques antérieurs et lombo-sacrés ainsi que les fibres profondes du muscle piriforme.

Etape III

Les doigts de la main droite de l’opérateur sont déplacés vers une position plus médiale et caudale sur le sacrum du patient où ils assument une position proche de la ligne médio-sacrée. La position de la main gauche de l’opérateur et celle de l’opérateur ne changent pas. Les doigts de la main droite de l’opérateur sont fléchis et servent de “fulcrum actif”. La tension est appliquée en pompage.

Considérations anatomiques et pratiques

Avant de considérer les régions lombo-sacrée et ilio-sacrée spécifiquement, il semble sage de revoir brièvement  certains principes basiques qui s’appliquent aux articulations de manière générale.

La taille, la forme et la direction des surfaces articulaires déterminent dans une grande mesure le type, le degré et la direction des mouvements physiologiques permis par l’articulation. La force et la densité des ligaments environnants varient selon les individus et même par rapport aux parties d’une articulation. Certaines articulations sont décrites comme étant étroitement liées, par exemple, les articulations du carpe et du tarse ; d’autres sont considérées comme étant peu liées, tel que la gléno-humérale et les articulations du poignet. Chez certains individus, l’une ou l’autre de ces tendances peut apparaître comme une caractéristique générale. Ces spécificités influencent les réponses aux forces physiologiques et non physiologiques.

La force des articulations dépend de la forme de leurs parties osseuses (le coude) et de la force de leurs ligaments (l’articulation sacro-iliaque).

La direction des fibres d’un ligament ou d’un fascia associé indique la direction dans laquelle les forces sont reçues et transmises par l’articulation spécifiquement et la région immédiate généralement.

 La direction des fibres des ligaments et du fascia associé est en accord avec la motion et les contraintes caractéristiques de chaque articulation. Des fibres lourdes ou épaissies ayant une certaine direction sont à considérer comme des fibres de contraintes indicatives de la direction de la contrainte sur l’articulation. Elles se perçoivent comme comme des brins parallèles superposés ou dispersés dans le tissu conjonctif de la zone.  Souvent les fibres de contraintes vont dans des directions différentes, formant différents angles les uns avec les autres. Celles-ci servent d’index à la direction des forces agissant sur et à travers la zone. Elles sont un index pour les contraintes et les tensions qui sont reçues par ou transmises par l’articulation. La variété de leur direction, leur nombre et leur densité est souvent associée fonctionnellement pour servir de coordinateur à l’action musculaire de nature complexe.

Ces faits doivent être pris en considération durant l’examen clinique et dans l’analyse des signes physiques et symptômes reliés directement et indirectement à une zone ou une articulation. Une telle connaissance est d’une grande aide dans la sélection et l’application d’une procédure thérapeutique.

 Des changements dans ces structures biophysiques, biochimiques et hydrodynamiques, existent souvent à un niveau sub-clinique ou ils constituent ce qui pourrait être considéré comme “maladie marginale” pour une période prolongée. Souvent ils sont précurseurs de changements dégénératifs avec des effets généralisés n’incluant pas seulement les structures somatiques mais pouvant provoquer des maladies viscérales et neuro-vasculaires.

Les remarques ci-dessus ont été présentées avec des références spéciales aux régions ilio-lombaire et sacro-iliaque. Le terme “lombo-pelvien” et “périnéo-pelvien” devrait être gardé en tête dans cette discussion puisqu’ils orientent la réflexion vers l’inclusion de divers systèmes représentés dans le pelvis. C’est également important que l’état de la colonne lombaire et des membres inférieurs soit pris en considération puisque leur état fonctionnel a un rapport direct et important sur le bassin. Il a été trouvé cliniquement qu’un traitement direct vers la diminution du degré de lordose lombaire anormale, améliore considérablement la direction du traitement dans la région sacro-iliaque.

Aucune description de l’articulation sacro-iliaque complète ou ayant une corrélation adéquate entre les caractéristiques morphologiques et le comportement physiologique n’a été trouvée. L’opportunité d’examiner la zone lors de dissections faite selon la méthode Halladay a permis une appréciation de nombreux tissus qui influencent ou sont influencés par les articulations. Une tentative est faite ici, de montrer l’importance des caractéristiques morphologiques. 

L’articulation sacro-iliaque est située entre la partie inférieure de la colonne vertébrale et les os innominés (os coxaux). La zone de la cavité synoviale ne correspond qu’à celle des trois segments sacraux supérieurs, donc à une partie seulement de l’articulation. En arrière et au-dessus de la surface auriculaire se trouve une zone rugueuse s’étendant jusqu’à la tubérosité iliaque qui loge le puissant ligament interosseux. Superficiellement à ce ligament, et inséparable de celui-ci, se trouve le ligament sacro-iliaque postérieur. Encore plus superficiel, mais confondu avec le ligament sacro-iliaque postérieur, se trouve le ligament sacro-tubéral avec des attaches sur le sacrum, le coccyx et la partie postérieure de l’os innominé. Superposé sur ces ligaments sur la face dorsale du sacrum et la partie avoisinante de l’os innominé, notamment une zone rugueuse atteignant la partie postérieure de la crête iliaque, se trouvent les origines des muscles multifidus et érecteur du rachis. Tous les ligaments et muscles nommés jusqu’ici font partie d’un système extenseur et postural ou y sont associés. Ils sont sujets à un stress physiologique considérable dans la vie de tous les jours.

La surface auriculaire du sacrum, qui est plus proche de la surface interne du pelvis que l’externe, a une branche horizontale ou inférieure et une branche supérieure ou perpendiculaire. Le bord inférieur du bras horizontal et le bord antérieur du bras perpendiculaire se rencontrent au début de la ligne arquée séparant le vrai du faux pelvis et au début de l’arche sacro-fémorale, la long de laquelle le poids du corps est transmis aux têtes fémorales. La partie postérieure du bord inférieur du bras horizontal est étroitement lié à l’épine iliaque postéro-inférieur.

Les surfaces articulaires varient quelque peu en taille et forme et sont marquées de rugosités, les inégalités d’une surface étant reçue dans les inégalités de son opposée. Le Cahier de Texte d’Anatomie de Cunningham les décrit comme des sinuosités et tubercules réciproques. Une irrégularité plutôt proéminente se trouve en projection de la deuxième vertèbre sacrée et correspond au niveau de l’axe transversal du sacrum, autour duquel se font les mouvements en avant et en arrière. Ceci est aussi le niveau du milieu de l’articulation sacro-iliaque et la limite inférieure de l’espace subarachnoïdien.

L’Anatomie de Morris déclare que le cartilage articulaire est épais de 2 mm près du centre de l’articulation et s’amincit vers les extrémités. Bien que le cartilage est intimement adhérent aux os, une force violent l’arrachera d’un os entièrement, ou des deux partiellement, parfois irrégulièrement tel que la plus grande portion demeure connectée avec un os, laissant l’autre rugueux et nu. Schunke, est cité disant que la surface auriculaire du sacrum est recouverte de cartilage hyalin, mais le cartilage sur la facette correspondante de l’iliaque est habituellement de type fibreux. Il faut souligner de nouveau que la cavité articulaire est proche de la surface interne de la cavité pelvienne et que le ligament sacro-iliaque antérieur est plus fin et moins puissant que le postérieur. Des perturbations de l’articulation sont souvent accompagnées par un tissu fibro-cartilagineux irrégulier et un changement osseux productif dans cette zone quand les surfaces auriculaires ont subi des remaniements.

La citation qui suit de Steindler est digne d’être notée de par sa clarté et son importance :

« Dans la direction verticale, le sacrum est coincé entre les deux os innominés. Puisque sa base crâniale est plus large que son sommet caudal, il agit comme une clé de voûte empêchant un glissement inférieur de par sa forme triangulaire. Dans la direction antéro-postérieure, toutefois, la surface antérieure du sacrum qui fait face à l’anneau pelvien est plus large que la surface postérieure. Ainsi, il n’y a pas de contrôle osseux contre la pénétration du sacrum dans l’anneau pelvien comme il peut y en avoir un dans le glissement inférieur. Il en résulte qu’il incombe à l’appareil ligamenteux de fournir la garantie contre une telle pénétration. »

De puissants ligaments contribuent ainsi à la stabilité de l’articulation sacro-iliaque, spécialement le ligament sacro-iliaque interosseux dont les fibres se croisent selon tous les angles possibles. Ceci indique, comme mentionné dans les considérations générales, qu’à cette jonction, contraintes et tensions sont reçues et résistées de tous les côtés. Ceci est une importante considération dans les procédures spéciales proposées.

La part jouée par les ligaments ilio-lombaires et lombo-sacrés devrait être soulignée. Ici, il devrait être réalisé que différents noms ont été assignés au fascia continu et aux structures ligamentaires. L’idée d’une continuité devient plus compréhensible si l’on se souvient de l’unification des activités physiologiques rendue possible à travers un tel arrangement.

Partager cet article